•    Henri Rousseau, Les artilleurs
    Après ce morceau de bravoure qu'est la baignoire de la princesse de Guermantes, il y a, dans la lecture de la Recherche un petit moment très particulier. C'est quand le narrateur, amoureux de la duchesse, va à Doncières voir St-Loup et goûte par procuration aux charmes de la vie de garnison.
    Ce moment est comme une miniature insérée dans le grand ensemble, une sorte de vitrail militaire. Un épisode à part. Son charme pour moi tient d'ailleurs sans doute à autre chose : probablement au fait que ce passage est, dans l'œuvre de Proust, le grand éloge de l'amitié.
    Amitié que le narrateur ne concevait pas, avant. Il s'étonnait jusque là que St-Loup s'intéresse à lui, ne comprenait pas les sentiments qu'il lui portait et trouvait que l'amitié était peu de choses avant qu'il soit pris, lui, d'une sympathie immédiate et spontanée pour un officier qui dîne avec eux un soir. « Et de fait, nous causâmes presque toute la soirée ensemble devant nos verres des Sauternes que nous ne vidions pas, séparés, protégés des autres par les voiles magnifiques d'une de ces sympathies entre hommes, qui, lorsqu'elles n'ont pas d'attrait physique à leur base, sont les seules qui soient tout à fait mystérieuses. ».
    Cet épisode de Doncières, exotique par les sujets qui y sont traités, par cet éloge de la théorie militaire à quoi il est donné une beauté esthétique, gagne aussi à être lu un peu avant le début de l'hiver. Alors, au lieu de ressentir la tristesse de l'automne qui finit, il nous vient une sorte de plaisir à retrouver le froid, le vent, le givre, qui semblent des choses merveilleuses et poétiques.
    Et puis je dois aimer ce morceau de Doncières pour une autre raison encore. N'est-ce pas là que Proust parle du Valais, ce qui doit me plaire, à moi Valaisan. Je cite. C'est Saint-Loup qui parle au narrateur :

    - Mais, voyons, vous me prenez pour un crétin du Valais, pour un demeuré?
    Ô nostalgie du pays ! Heimweh !





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