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Par
Alain Bagnoud dans
Proust le
20 Février 2008 à 11:29
Marcel (car le narrateur de Proust s'appelle Marcel, n'est-ce pas ? Je prends mes précautions, mais on m'a reproché de pratiquer sans vergogne l'amalgame entre la biographie et l'œuvre).
Marcel, donc, sort de chez Mme de Villeparisis et est rattrapé par M. de Charlus, qui lui fait une proposition. A ce moment, les lecteurs de Balzac dressent l'oreille, tant la parenté entre ce discours et celui que fait Carlos Herrera au jeune Lucien de Rubempré, quand il le rencontre, est patente.
Mêmes références entortillées et énigmatiques. Mêmes allusions à une franc-maçonnerie, à une société secrète mystérieuse dont on ne comprend pas les buts et les mœurs. Même offre d'amitié. Même proposition de l'homme âgé qui veut être le Pygmalion du jeune homme et le faire réussir par des moyens mystérieux, à condition que l'autre lui consacre sa vie exclusivement...
Est-ce que Proust entend reconnaître immédiatement sa dette ? Est-ce qu'il veut donner finement un indice d'intertextualité ? Est-ce que, tout baigné dans ses souvenirs et dans l'ambiance balzacienne de son modèle, il continue son évocation par d'autres moyens ?
En tout cas, le nom apparaît presque tout de suite après. Dans une sorte d'incise qui coupe le flux de la proposition que fait Charlus.
C'est Marcel, le naïf Marcel, qui l'introduit, tout obsédé par son amour présent et sans espoir, Marcel qui ne comprend rien et va provoquer l'agacement de son interlocuteur :
« - La duchesse de Guermantes semble très intelligente. Nous parlions tout à l'heure d'une guerre possible. Il paraît qu'elle a là-dessus des lumières spéciales.- Elle n'en a aucune, me répondit sèchement M. de Charlus. Les femmes d'ailleurs, n'entendent rien aux choses dont je voulais parler. Ma belle-sœur est une personne agréable qui s'imagine être encore au temps des romans de Balzac où les femmes influaient sur la politique.... »