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La nuit du destin, par Asa Lanova
Même s'il a été publié il y a quelques mois et écrit récemment, La nuit du destin est un roman du XIXème. Par son écriture, mais aussi par ses thèmes, son orientalisme, sa fascination d'un ésotérisme pittoresque. Un roman qui mêle l'amour et la mort entre symbolisme et romantisme flamboyant tardif.
Au centre, Ismaël, mystérieux, cultivé et idéal. Autour de lui, des femmes. Plein de femmes. Magda, sa mère, qui l'a initié aux nombres et mourra jeune. Layla, première passion de sa vie, plus âgée que lui, qui préfère disparaître que déchoir physiquement. Negma, la cousine à qui Ismaël est marié par son père. Rhoda, la servante dotée de pouvoirs mystérieux. Violanta, violente artiste peintre qui est la deuxième passion absolue de notre héros. Anne, la narratrice, jeune arabisante.
Toutes fascinées par lui, amoureuses, protectrices, cherchant à percer le secret de son destin. Complétant leur sensualité naturelle par la lecture des signes, les sentiments par le déchiffrage du monde, dans une fusion que seule, semble suggérer Asa Lanova, les femmes peuvent accomplir.
Car les hommes en face d'elles sont des repoussoirs. Soit complètement menés par leurs sens, comme le père d'Ismaël, viveur brutal que son fils renie. Soit les ayant complètement asservis, comme les membres de la société secrète des Aigles d'Osiris, une sorte de secte ésotérique soufi qui prône la domination de soi et le contrôle du désir, et à laquelle Ismaël a adhéré.
On se trouve à Alexandrie, ville qu'Asa Lanova connaît bien et qu'elle recrée avec talent. Alexandrie, personnage principal de son roman, sans doute. Ismaël qui avait quitté la ville vingt ans plus tôt y revient et disparaît presque aussitôt. Les femmes qui l'ont aimé cherchent à comprendre son absence, et se retrouvent prises dans un jeu de piste ésotérique et mystérieux, qui culmine la nuit du destin, vingt-septième du ramadan, laquelle conduit aux révélations et aux changements.
Ce côté XIXème dont j'ai parlé, qui s'exprime jusque dans la vision de l'exotisme. Par exemple dans ces considérations sur « la femme orientale », où il semble que Gobineau ne soit pas loin. « Vous connaissez certainement les ruses de l'Orientale pour se faire aimer, et ce pouvoir de séduction dont elle joue si habilement et qui est fait de tellement de facettes... »
Mais ne croyez pas que je condamne ces aspects du livre. J'ai trouvé au contraire un charme délicieux, quoique un peu suranné, à ce roman plein de fièvre, de sensualité et de mystère, à l'écriture charnelle et opulente.
Asa Lanova, La nuit du destin, Bernard Campiche Editeur