• Catherine Tapparel, de Corin

    J'imagine Corinna entourée par ses grands hommes. Les notables. Le père, peintre dominant, riche, célébré. L'oncle du mari, bâtisseur du Valais et chef des puissances temporelles. Puis les puissances spirituelles, culturelles. L'autre Maurice, le mari vagabond, pauvre, économe, très économe, mais riche de poésie et reconnu. D'autres phares plus anciens, Romain Rolland derrière le père, et Hodler, derrière aussi. Et puis Ramuz, Rilke qui venaient faire des visites au faux château du Paradou, comme Pierre-Jean Jouve ou Panaït Israti. Tous ces hommes sur plusieurs rangs, en divers cercles, posent comme les images du pouvoir, du prestige, de l'art, de l'officialité.

    Au milieu, il y a Stéphanie Bille, écrivain. Et en dedans d'elle, une petite paysanne de famille nombreuse. Catherine Tapparel, dont le père avait eu dix-sept enfants de ses deux mariages. Catherine Tapparel était entrée chez le couple Bille à quinze ans comme domestique. La bonniche était destinée à épousseter les meubles et à torcher les enfants du premier ménage du peintre, qui est tombé amoureux d'elle, qui l'a désirée, frôlée, a tenté de la séduire pendant que l'épouse légitime faisait d'autres enfants et avait le dos tourné.

    Mais chez ces gens-là, ceux de Corin, ceux de Montana, on est catholique, on a des valeurs. Les filles sont droites, vont à la messe, prient le chapelet et donnent l'exemple. Elles se doivent de le faire, et d'autant plus quand le père est juge de la commune, Grand-Châtelain, avec un air sauvage, presque fou.

    Une fille honnête ne couche pas avec des hommes mariés. Elle préfère partir, quitter le poste, abandonner l'argent du revenu, retourner dans la vieille maison de ses parents, retrouver les frères et sœurs qui restent encore, entassés dans peu de pièces, avec les vaches à l'étable située au-dessous de la grande salle, qui chauffent les pièces en hiver...

     

    La suite de ce texte est paru dans le Cippe à Corinna Bille, un recueil d'hommages, ouvrage collectif sous la direction de Patrick Amstutz, Infolio