• Ça fait quelques semaines que je suis dessus. Oui, j'avance dans plusieurs livres en même temps. Celui-là, mon fils (12 ans) l'a lu et m'a donné envie de l'imiter. Il me semble qu'il n'était pas dans  la masse des Jules Verne que j'ai dévorés pendant l'enfance et l'adolescence. 20 000 lieues sous les mers, oui, incontestablement. Cinq semaines en ballon, Le tour du monde en 80 jours... Mais pas L'île mystérieuse. Aujourd'hui, cet oubli est corrigé. Merci Pierre Aldéric ! (Mon fils s'appelle ainsi mais en fait, il préfère qu'on l'appelle simplement Pierre. Merci Pierre !)
    L'île mystérieuse,
    ce sont de riches heures de lecture. 805 pages en Livre de poche (avec les très belles illustrations de Férat). Mais on ne s'ennuie pas. Ça se lit comme un roman.
    Cinq Américains du nord prisonniers des Sudistes pendant la guerre de Sécession fuient en ballon. La tempête les emporte sur l'Océan Pacifique et ils échouent dans une île déserte, éloignée des routes maritimes et absente des cartes. Heureusement, il y a un ingénieur parmi eux. Ils recréent donc toute la civilisation. L'Histoire recommence : chasse, pêche, redécouverte du feu, de la poterie, de l'agriculture, de l'élevage. Les naufragés fabriquent du fer, des acides, des explosifs, du verre, un moulin, un bateau, un ascenseur hydraulique...
    Ça pourrait être fastidieux. Mais des événements singuliers sont là pour le suspense. Des faits inexplicables se produisent. Nos héros recueillent sur une île proche un cruel boucanier transformé en bête sauvage (qui va redevenir bon, n'est-ce pas ?) Ils sont attaqués par des pirates. Une force mystérieuse les aide, ils découvrent finalement d'où elle vient. C'est le Capitaine Nemo qui les protège depuis son sous-marin Nautilus qui stationne dans une grotte immergée sous l'île. Oui, le Nemo de 20 000 lieues sous les mers. Ce héros romantique et hors-la-loi, qui meurt devant eux avant que l'île n'explose dans une éruption volcanique et que nos héros ne soient sauvés par un dernier miracle agencé par le défunt.
    C'est assez palpitant et destiné à un public précis. Pas de femmes là-dedans, pas de sexe. Ces mâles, quatre adultes et un adolescent chéri par tous comme un fils, vivent seuls sans éprouver une seconde les pulsions de la libido. Sans éprouver de besoins physiques déplacés, non plus. La description minutieuse des campements et des logements ne comprend pas de cabinets ou de latrines.
    Une autre chose qui étonne et détonne aujourd'hui, c'est un racisme évident et ingénu. Nab, le nègre, est attaché à l'ingénieur comme un chien. Quand il croit le perdre, il rappelle cet animal par son comportement errant et pleurant. Il est naïf, simple, il fait rire. Il s'entend d'ailleurs bien avec l'orang-outang qu'ils apprivoisent et qui sert de domestique à tous.
    Faisons là la part de l'époque. Le racisme de Jules Verne est un racisme ethnologique en quelque sorte. Inutile de bouder son plaisir pour ça. Un plaisir émerveillé à voir que tout est possible à l'homme, que le progrès avance, que la raison et la technique triomphent toujours, que le monde est complètement maîtrisable et à la disposition de l'homme futé (l'ingénieur). On retrouve, à goûter cet optimisme daté, la même saveur que dans la bande dessinée Petzi, par exemple, où les personnages n'arrêtent pas de construire des bateaux, des maisons, des usines, avec une facilité presque semblable à celle de l'île mystérieuse.
     Petzi, ce petit ours de notre enfance. Vous le connaissez ? Vous vous en souvenez ? Ah, on en reparlera !