• Un entretien avec Jean Chauma

    Jérome Meizoz, l'auteur du Rapport Amar, vient de lever un lièvre : l'antisémitisme de Cendrars. Il a retrouvé un projet de pamphlet de notre poète du transsibérien. L'article de Meizoz va paraître bientôt dans le Courrier. Pierre Assouline, qui l'a déjà lu, en a fait un compte-rendu dans La république des livres.
    Je le signale en passant. Ce que je voulais dire surtout, c'est que Meizoz m'a averti d'un entretien avec Jean Chauma. L'auteur du très étrange Bras cassés.  Guiseppe Merrone et Ami-Jacques Rapin ont rencontré le voyou-écrivain pour la revue A contrario (vol.4 - Numéro 2). C'était le 14 juillet ( ! ) 2006 « à la terrasse d'une brasserie  située face au casino d'une petite ville thermale française. » Tout s'explique (sauf la date) lorsqu'on sait que l'ancien braqueur de banques est interdit de séjour sur le territoire helvétique.
    Il parle de sa transformation. Ce voyou des années 70 s'est en effet extrait du mitan et est devenu un « causeur ».
    Tout ça par la faute des livres. Bien sûr. Il était dans l'isolement au mitard, avec le droit de lire un volume par jour. Des SAS, des San-Antonio, puis Saint-Exupéry, Edgar Morin.  « La lecture me donnait soudain un but qui était celui de pouvoir côtoyer un milieu auquel je n'appartenais pas. » 
    Et l'écriture ? « Une solution pour avancer ». « Pour intéresser le monde : les gonzesses, les baveux, le curieux. » Des termes du milieu. Les filles, les avocats, le juge d'instruction.
    C'est l'argot, seul langage des voyous. 
    D'ailleurs, selon Chauma, « Bras cassé est une expression argotique désignant un loser qui ne renonce pas à essayer de gagner, de réussir, d'être un winner, un bon, etc. Le voyou ne pense pas à s'en sortir, il aime être où il est, et comme il est, il voudrait juste être un tout bon. »
    Jean Chauma en est devenu un. Par l'écriture. Un tout bon.
    Son entretien est passionnant. Sur l'argot, les postures des voyous, la langue et ce qu'elle impose et permet. Il faudrait creuser. Je vais y revenir bientôt, tiens, quand j'aurai un peu plus de temps.