La
statue de Paul Morand avait été fort ébréchée
pendant la guerre par ses rapports avec Vichy qui le nomma
ambassadeur en Roumanie et à Berne. Ça ne s'est
d'ailleurs pas amélioré depuis. En tout cas pas avec la
publication du Journal inutile.
C'était
en 2002, vingt-cinq ans après la mort de l'auteur. Il s'y
montrerait, semble-t-il, très vilain (je ne l'ai pas lu),
taperait quotidiennement sur les Juifs et les homosexuels (en
exceptant de sa détestation Proust, son maître absolu,
qui a écrit d'ailleurs la préface de Tendres Stocks) ,
agonirait ses ennemis de sa haine et se montrerait un parfait mufle
et un goujat décidé.
Bref,
ce n'est pas ainsi qu'il a retrouvé grâce dans l'opinion
publique, dont ce notable choyé par le Tout-Paris avait été
adulé jusqu'en 39.
Revenons à cette période
bénie. Plus précisément à ce qui l'ouvre.
Son premier recueil de récits, Tendres Stocks.
On y trouve le résultat des
fréquents séjours que Morand a faits dans son
adolescence et sa jeunesse à Londres, ville où se
passent les trois récits. Trois portraits de femmes jeunes et
pas très conformistes, immobiles ou en train de chuter, dans
des milieux snobs, chics, artistes. Acheteuse d'art, danseuse
passionnée de chasse, veuve dans la voie de la corruption...
Un livre brillant, condensé. Des
images rapides, qui s'enchaînent, avec un peu tout de même
l'envie d'en jeter, et cette auto-complaisance à justement
vouloir se montrer vif, neuf et étincelant.
Mais enfin, ça impressionne.
Tout ce talent... Et ce qu'il en a fait ensuite!
Brasillach, Drieu La Rochelle, Morand, et tant d'autres qui se reconnaissaient peu ou prou dans le régime de Vichy avaient indéniablement "une belle plume", c'est leur encre qui était mauvaise...