• Réverbération 2 (Jean-Marc Lovay)

    Jean-Marc Lovay par Yvonne Böhler« Il y a un mystère Jean-Marc Lovay. Personne ne l'a lu et personne, presque, ne le lit. Pourtant, l'écrivain valaisan, qui fête aujourd'hui même - et en grande pompe - son soixantième anniversaire, jouit, dans notre petit pays, d'une renommée inversement proportionnelle à son audience réelle... » (Jean-Michel Olivier)
    Pour contredire Jean-Michel Olivier et augmenter le nombre de lecteurs de ce singulier écrivain qu'est Jean-Marc Lovay, présent dans le paysage depuis Les régions céréalières paru chez Gallimard en 1976, voici le début de Réverbération, son dernier opus

    Il accroîtra le nombre de ceux qui auront commencé un de ses livres. Plus rares, certes, sont ceux qui peuvent affirmer en avoir fini un. Mais ne manquez pas l'occasion de rejoindre cette petite élite !

    Et voici la très belle première phrase de Réverbération :

     

    « En me réveillant pour m'évader du rêve où des ruisseaux d'oiseaux morts coulaient vers la rivière qui descendait au fleuve des fièvres, je me retrouvais à l'intérieur du matin de mon anniversaire, qui était la cage aux espaces immenses séparant les barreaux entre lesquels je voulais m'envoler ; et voyant au loin s'élever le mirage des âmes de toutes les bêtes qui ce soir seraient sacrifiées dans les flammes de bûchers arrogants et fétides, je me souvenais de Krapotze, celui qui du temps de sa jeunesse et de la mienne était le plus habile divinateur du dernier pleur parmi tous les autres précoces férus en sanglots, et qui avait déjà le visage d'un faux pleureur quand il me disait que le jour où par bonheur pour moi et surtout pour lui, je croirais qu'il n'y avait enfin plus un seul être humain pour penser à mon anniversaire, alors je pourrais aller avec les chiens sous l'arbre, et Krapotze disait qu'en leur tirant les queues et frottant le bâton contre l'écorce en épousant le cristallin diapason avec eux, je ferais couiner et s'arquer la gamme jusqu'à son oreille perpétuellement attentive au malheur d'autrui, la plus pure et la plus sincère de ses oreilles à lui, Krapotze, qui depuis toujours voulait être élu en tant qu'officiel et costaud écouteur qui ne dormirait plus jamais, le pur sans-sommeil, l'éveillé chef-conseilleur en méthode de suicide réussi et le sombre empêcheur de suicide raté, parce qu'avant même de pouvoir comprendre ce que signifiait l'alignement des mots « encore une journée perdue pour les perdants », il avait déjà compris que le meilleur apprenti pleureur final ne pouvait qu'être celui qui serait le plus capable d'apprendre à se retenir de pleurer, quand dans le regard de celui qui viendrait le lui demander, il devinerait l'instant où il devrait mourir. » (Editions Zoé)