• Ramuz et successeurs

    Où on reparle de C.-F. Ramuz.
    Revenons un peu en arrière. Dans l'Histoire. A cette époque où Ramuz est mort, (1947) après avoir fini par dominer de façon incontestable et incontestée la littérature de son pays. (Voir les épisodes précédents.) 
    A ce moment-là, il s'est passé quelque chose d'intéressant. Il a semblé à certains qu'il y avait une place à prendre. Certains, ce sont ceux qui croyaient et qui croient aujourd'hui encore à un Ramuz identitaire et incarnant un pays, ou plutôt une région, dont il serait une sorte de génie du lieu. Ceux qui pensent que son œuvre a fondé une littérature romande autonome. Une littérature qui permettrait de dire que nous, les Suisses d'expression française, nous sommes un peu différents. Que nous avons une identité propre.
    Qu'il y a un royaume que Ramuz s'est taillé à coups de plume et sur lequel il a régné. Que ce royaume doit être dirigé par quelqu'un. Un barde officiel. On a donc cherché celui qui succéderait au grand homme. Il fallait deux conditions pour qu'il fût sacré : une position dominante dans le domaine littéraire en Suisse romande et une exigence littéraire dont ses textes témoigneraient.
    Et ça a marché. Maurice Zermatten par exemple a été pressenti. C'est Jacques Chessex qui a finalement occupé la fonction.
    Tout ça est assez amusant. On est dans l'officiel, dans le ronflant, dans le sérieux. Dans le patriotique. Mais il y a une deuxième hypothèse.

    Elle nous dit que Ramuz est un génie unique. Qu'il n'incarne aucune région, aucun pays, rien que lui-même. Qu'il a inventé une langue et un contexte. Qu'il est aussi universel et irremplaçable que Faulkner ou Kafka.
    Et évidemment, c'est ce que je crois...

     

    (Voir aussi ici une vidéo de Maurice Zermatten interviewé par la TSR en 1961.)