• Ramuz, anarchiste de droite ?

    Stéphane Pétermann rappelle que de son vivant,le grand écrivain suisse C.-F. Ramuz occupait une position d'avant-garde dans la littérature. Il n'était pas du tout le vieux Vaudois passéiste à quoi certains ont voulu ensuite le réduireSissi, assassinée à Genève par un anarchiste italien. Au contraire, rien de conservateur en lui. Du révolutionnaire plutôt, à l'opposé de son image de chantre traditionnaliste. 
    Je parle évidemment de son action en littérature. Parce qu'en politique, il était plutôt ce qu'on appellerait un anarchiste de droite, semble-t-il.
    D'accord, cette notion d'anarchiste de droite prête à discussion. Les anarchistes de droite existent-ils ? Et si oui, que sont-ils, à quoi croient-ils, qui pourrait les représenter ?
    Certains ont prétendu que leur modèle et leur avatar, c'était Alain Delon. Dans ses activités d'acteur, évidemment. Par exemple dans Le Samouraï.
    L'anarchiste de droite style Delon serait quelqu'un de révolté contre la société, qu'il considère comme pourrie, qu'il voit régie par des réseaux mafieux. Son principe est qu'il faut se faire justice tout seul. Que tous les moyens sont bons. A coups de flingue s'il le faut.
    D'autres théoriciens de ce fameux anarchisme de droite ont parfois cru trouver en Max Stirner leur maître. Son modèle social était en effet l'Egoïste. Quelqu'un qui lutte contre toute influence, contre toute autorité extérieure, qu'elle soit idéologique, morale, sociale ou culturelle. Qui vise évidemment son propre intérêt.
    Mais pour l'obtenir, la seule solution, dit Stirner, est de créer des associations d'Egoïstes menées par un but commun, qui vont arracher ce qu'elles désirent à ceux qui les détiennent et qui les gardent pour eux. Ce qu'on a appelé ensuite l'anarchisme associationniste. Rien à voir avec la manière de procéder d'Alain Delon, on le voit. Tout le contraire même.
    Rien à voir non plus avec C.F.- Ramuz. Qui se définissait comme anarchiste, mais par rapport aux règles sociales. Tenez, je ne résiste pas au plaisir de le citer : « je vois bien que j'ai été anarchiste moi-même, par rapport à mon petit pays : je ne me suis pas conformé. » Ou encore : « je suis a-social. Je suis toujours resté indifférent à la société et l'ai toujours considérée comme existant en dehors de moi et moi comme n'y participant pas, tout au moins volontairement. »
    Je n'ai pas été chercher très loin cette citation. Elle vient de mon essai, Saint Farinet. Qui parle un peu, justement, de ceux qui confondent l'anarchisme avec la loi du far-west, le conservatisme ou le new age.
    Ce petit tour d'horizon nous laisse avec une question : l'anarchisme de droite existe-t-il ? Personnellement, je dirais que non. Qu'il est plutôt une étiquette sur des bocaux très différents. Ou alors comment le définir ? Le débat est lancé.
    Et voilà que j'ai encore dévié. Et que je n'ai plus l'énergie de parler de Ramuz révolutionnaire, cet écrivain posté en avant-garde dans la littérature de son époque. Celui dont traite Stéphane Pétermann dans son article Ramuz paysan, patriote et héros : construction d'un mythe, paru dans la revue A contrario.
    Bon, ce sera pour un autre jour.