• Gustave Courbet, Le sommeil, 1866
    De ce que je sais que chez Proust, Albertine est une transposition, il y a tout un aller et retour qui se fait pendant ma lecture lorsque le narrateur parle d'elle, et plus particulièrement lorsqu'il évoque sa jalousie, suscitée particulièrement par le fait que cette femme aime les femmes. Un aller et retour constant entre des hypothèses: est-il jaloux du fait que la personne aimée recherche pour ses plaisirs quelqu'un du même sexe qu'elle, ou du fait qu'elle apprécie quelqu'un d'un sexe différent de celui du narrateur, qui peut donc lui fournir des plaisirs, des sensations, des expériences que jamais celui-ci ne pourra donner?
    Quand je lis: « Albertine avait ces mœurs », ou « Pourquoi ne m'avait-elle pas dit qu'elle avait ces mœurs? », il y a une oscillation constante dans la définition de « ces mœurs. » Il n'est peut-être pas indifférent de savoir, comme le disait Gabory, que
    dans l'esprit de Proust, les « mauvaises » mœurs, chez un homme, étaient « des relations avec des femmes » (voir ici).
    On me dira qu'il est inutile d'aller chercher dans les ragots, puisque c'est justement le fait qu'Albertine avait des relations avec des femmes qui faisait souffrir le narrateur. Oui mais c'est cet aspect qui la rend mobile, indéfinissable. D'après la formulation et le contexte, il peut s'agir parfois d'une femme qui aime les femmes, parfois d'un homme qui aime les hommes, parfois d'un homme qui aime les femmes.
    Tout ceci donne aussi un côté incertain à l'image de l'homosexualité. Si le narrateur semble la condamner, elle revient dans l'œuvre comme une flamme et c'est peut-être elle qui est le juste. Ce qui serait alors condamnable, ce seraient les relations avec l'autre sexe.
    C'est bien embrouillé. Je parle de mon article bien sûr. Mais le sujet ne l'est pas moins.





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