• Philoctète, au Théâtre du Grütli

    Philoctète, Neoptolème tentant de lui arracher son arc, et Ulysse, par PradierTout était réussi dans ce spectacle, Philoctète.
     Le texte, une réécriture incandescente par Heiner Müller de la pièce de Sophocle, avec la fin changée, le happy end devenant meurtre, leçon de cynisme et calcul.
    La scénographie de Jean-Michel Broillet : vautours morts sur le sol, cabane bâchée, mer animée en arrière, passerelle de bois frêle vers un nulle part de tempête et de sauvagerie.
    La mise en scène de Bernard Meister, juste, toute de tension et de violence retenue.
    Les trois acteurs. David Casada, jeune chien fou partagé entre l'honnêteté et le réalisme. Valentin Rossier en Ulysse cauteleux. Jacques Probst, colosse blessé, puissant, furieux, ironique et confiant. Des monstres sacrés du théâtre romand.
    Mais c'est fini. Le spectacle. Il y avait des prolongations jusqu'au 3 juin, je suis allé voir la dernière.
    L'intrigue : Ulysse a abandonné Philoctète sur l'île de Lemnos, dix ans plus tôt, parce qu'il était blessé au pied, gangrené, puant et inutile. Il revient le chercher, s'étant rendu compte que le héros, qui a hérité de l'arc et des flèches infaillibles d'Heraclès, est indispensable aux  Grecs pour vaincre les Troyens. Avec lui, le jeune Néoptolème, fils d'Achille mort, qui croit encore à la vérité et à l'honneur. Pour corser le tout Néoptolème hait Ulysse qui s'est approprié les armes de son père.
    Manipulé et dirigé par Ulysse, le jeune homme apprend vite la ruse et le mensonge. Alliances, renversements, meurtre... Ce qui triomphe, c'est le primat de la fin sur les moyens. Une mise à plat de la real-politik en somme, dénoncée par cet anarchiste est-allemand qu'était Heiner Müller.