• Memnon ou la sagesse populaire, par Voltaire

       Watteau, L'embarquement pour Cythère
    On dirait les promesses d'un lendemain de cuite : Memnon décide de renoncer aux femmes, aux alcools et aux repas trop lourds. Il veut vivre serein, sage, jouissant de sa petite fortune en modeste.

    Et que croyez-vous qu'il arrive ? Exactement le contraire.

    Il est touché par une jolie fille malheureuse qui est persécutée par son oncle. Mais quand il la réconforte, l'oncle arrive et il s'agit alors de payer très cher pour pouvoir se sauver.
    Il se console de cette mésaventure avec des amis, se soûle, joue, perd, se dispute, se bat et se fait crever un œil.

    Puis bien évidemment, il est pris dans une banqueroute, sa fortune a disparu, et il se fait rendre l'injustice par le magistrat qu'il essaie de gagner à ses affaires, lequel est lié à son adversaire et très soucieux de népotisme.

    Chassé de chez lui, dormant dans la rue, Memnon se fait réveiller par un ange. Six ailes et pas de queue. C'est Voltaire qui le dit. (Une première version de l'ange Jesrad qu'on retrouvera dans Zadig, dont Memnon est un premier état.)

    Ce protecteur céleste, qui était trop occupé au moment des malheurs de notre héros, le console avec une moralité très satisfaisante : la sagesse est impossible.

    Donc, deuxième morale, un peu plus personnelle peut-être : pour échapper au sort de Memnon, buvons frais, mangeons bien et aimons tant que nous pouvons.