• Bernard Frank est mort vendredi passé, à septante-sept ans, au restaurant. Une fin digne, pour lui qui n'aimait que les livres et les bons repas.
    Je me souviens d'un été délicieux, il y a deux ans, où j'avais lu ou relu tous ses livres, republiés en un volume dans une édition dont je ne me souviens plus (et je ne l'ai pas sous la main). Deux romans et des essais littéraires, des chroniques dans lesquelles Frank parlait avec charme et érudition de littérature, gastronomie, politique, ou ressassait la grande affaire de ses vingt ans.
    Brillant jeune homme, il avait en effet été choisi par Sartre pour tenir la chronique littéraire des Temps Modernes. Sartre, au début des années cinquante, c'était quelque chose ! Un monument, une référence !
    Frank lui fait lire le manuscrit de son premier livre, le fantasmatique et fulgurant Géographie universelle. Sartre aime le texte, propose d'aider Frank à le revoir (ce qu'il ne fait finalement jamais), lui offre son aide pour l'éditer chez Gallimard. Frank préfère une autre maison qui lui verse un à-valoir plus conséquent.
    Enfin tout va bien. Inséré dans la revue qui compte, chouchou du plus grand écrivain de l'époque. Puis c'est la catastrophe, que Frank ruminera longtemps. Il se fait exécuter dans les pages mêmes de la revue par le secrétaire de Sartre, Jean Cau. Peut-être parce qu'il a représenté sans complaisance le grand homme dans Les Rats, un roman publié en 1953. Rupture, exclusion.
    Puis création d'une autre famille avec Françoise Sagan et quelques autres amateurs de jeu, d'alcool, de fêtes et d'insouciance. Chroniques ludiques dans les journaux. Coups de griffes et digressions. Relecture des classiques, amour de la littérature, des vins et des restaurants. Un être libre. Une vraie langue. Un grand écrivain.





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