• Le Journal des Goncourt

     De retour en altitude, pour quelques jours dans les Alpes. Je retrouve dans le chalet le Journal des Goncourt. Une lecture de fond, liée à un endroit.
    Les Goncourt ne sont plus tellement à la mode. Il y a bien le Prix qu'ils ont initié, ou plutôt qu'Edmond a lancé, Jules étant mort à ce moment depuis des années. Edmond comptait sur ça pour transmettre leur nom à la postérité et faire survivre leur œuvre. Il avait vu dans son existence tellement d'auteurs qu'il trouvait plus médiocres que lui (et qui l'étaient généralement) portés au pinacle, qu'il doutait un peu de l'avenir et cherchait une solution posthume.
    Il en avait trouvé deux. Le Prix et le Journal. Ce journal qu'il avait commencé avec son frère et qu'il continuait seul. Au début, c'était Jules qui tenait la plume, qui notait. Edmond était debout derrière lui, déambulant, proposant une formulation, un adjectif, un mot. C'est que malgré leur différence d'âge, (Edmond est né en 1822, Jules en 1830), ils étaient comme des jumeaux. Ils avaient les mêmes goûts, les mêmes ambitions, les mêmes passions, ils allaient jusqu'à se partager les faveurs de leur bonne. Bon, il semble que Jules ait été le plus dégourdi des deux. Question femmes, justement.
    Mais à part ça, tout en commun. Travail, études historiques, gravures, romans, et cette habitude qu'ils avaient, rapporte-t-on, de terminer les phrases de l'autre lors de la conversation.
    Puis Jules est mort. A quarante ans. La syphilis je crois. Atroces souffrances, dégradation finale, imbécillité avilissante. Edmond est resté veuf. Il a repris le Journal d'abord pour raconter l'agonie et la mort du frère. Puis par habitude ou sens du devoir. Jusqu'à sa mort à lui, en 1896, à 74 ans.  Des dizaines de milliers de pages manuscrites. Honorable, même si ce n'est pas aussi long qu'Amiel.
    La différence, c'est que chez le Genevois, il ne se passe rien. Des petites promenades, des envies et des peurs de se marier, des scrupules.
    Les Goncourt, eux, étaient aux premières loges, ils ont connu ceux qui comptent en littérature, ont des anecdotes à raconter sur tous : Hugo, Balzac, Baudelaire, Flaubert, Zola, Daudet, Maupassant, Huysmans, Jules Renard... La liste est trop longue. Tous.
    C'est un formidable document littéraire. Mais pas seulement. Ils avaient une écriture, aussi.