• Le début de Guerre et Paix

    Image tirée du film Guerre et Paix de Robert Dornhelm avec Alessio Boni, Clémence Poésy, Alexander Beyer
    Le début de Guerre et Paix est une leçon pour tout écrivain qui désire introduire beaucoup de personnages dans son récit et qui est donc confronté à deux problèmes: comment les faire apparaître organiquement et comment leur donner une définition suffisante afin que le lecteur ne les confonde pas.

    Chez Tolstoï, ils arrivent progressivement. Deux soirées permettent d'établir leur situation et leurs liens, sociaux ou familiaux. La première prend place à Pétersbourg, chez Anna Pavlovna Sherer, dame d'honneur de l'impératrice, un personnage qui va perdre de son importance dans la suite du livre.

    La deuxième se passe plus tard, à Moscou, dans la famille des Rostov où on prépare la Sainte-Catherine, patronne de la maman et de la fille cadette.

    Un personnage secondaire fait le lien entre les scènes: une princesse pauvre, Anna Mikhaïlovna Droubetskoï.

    Vous sentez, je pense, que j'ai du plaisir à citer ces beaux noms russes avec patronymes. Ils me posent d'ailleurs des problèmes lors de la lecture: je les retiens mal et de plus, certains se déclinent en diminutifs qui me laissent perplexes...

    Bref, c'est la princesse Droubetskoï qui fait le lien. Elle semble attirer dans son sillage des gens de la première soirée. On en retrouve quelques-uns à Moscou quand on la suit au chevet du père de Pierre Bézoukhov, personnage qu'on devine déjà essentiel, ours mal léché, éduqué à l'étranger, bâtard, gaffeur, cumulant les impairs sociaux, tranchant sur cette société aristocratique policée, et la révélant donc. C'est la lumière que Tolstoï, bon éclairagiste, met sur lui – et sur son ami André – qui signale immédiatement leur statut romanesque exceptionnel.