• Le blues des vocations éphémères

    Gérald Rast, Dessin

    Quelques minutes plus tard, après une nouvelle cigarette, je sors du côté opposé, vers le Parc des Bastions. Son nom vient de fortins bâtis au XVIème et XVIIème siècle. Une exposition dans l'université me l'a appris: quand ils ont été démolis et les fossés comblés, Augustin Pyrame de Candolle a planté le premier jardin botanique de la ville sur l'espace devenu plat et libre.

    Il en reste de petites pancartes indiquant le nom des arbres. Entre les buissons et les massifs de fleurs sont érigés quelques bustes de grands hommes figés dans leur compétence. Tout au bout, un mur long d’une centaine de mètres, blanc, gravé et orné de bas-reliefs, sert de fond à des statues ascétiques et autoritaires qui représentent d'insignes réformateurs protestants.

    Malgré cette commémoration des ennemis historiques de ma religion (mais je n’entre plus dans les églises qu’avec crainte et animosité), malgré ces personnages sévères qui incarnent la restriction, l’austérité, l’entrave, l’abstinence, la culpabilité, tout le contraire de ce en quoi j’aspire, je révère ce parc comme un endroit magique. Le campus me fait rêver aux années soixante, passé merveilleux et libérateur. Je me souviens aussi de ce jour, quatorze mois plus tôt, où Dogane m'a désigné le bâtiment rose et où il m'a semblé que ma vocation allait se réaliser.

                                                  (Extrait d'un roman en chantier.)