• La plaque de Céline et son antisémitisme

    Finalement, non. Céline n'aura pas sa plaque à Genève. Vous vous souvenez ? On en avait parlé ici. Il s'agissait de signaler qu'il y avait vécu presque deux ans. Il y avait notamment rencontré dans une librairie Elisabeth Craig, danseuse américaine de 22 ans à qui il a dédicacé plus tard le Voyage.
    Assouline avait révélé l'affaire. Eh bien, c'est en quelque sorte sa faute si la pose n'aura pas lieu.Elisabeth Craig
    La Tribune de Genève nous explique ça aujourd'hui. Le propriétaire de l'immeuble où Céline a vécu, où la plaque, donc, devait être placée, a reçu une lettre anonyme. Comme on vous dit. Accompagnée d'une photocopie de l'article d'Assouline. Ce que la lettre contenait encore comme menaces ou intimidations, on ne le dit pas. Mais le propriétaire a renoncé et retiré son autorisation.
    Une lettre anonyme. Bravo. C'est se placer au même niveau de bassesse que le pire de Céline. C'est opposer la lâcheté et l'abjection anonyme à la haine maladive, à la rage, au délire malsain de Céline antisémite, tels qu'ils se sont exprimés dans les journaux de son époque et les trois pamphlets qu'il a publiés. Bagatelles pour un massacre
    (1937), L'Ecole des cadavres (1938) et Les Beaux Draps (1941).
    D'une violence extrême, affreux et grotesques dans l'outrance.
    Bon, je ne les ai pas lus en entiers (ils ne sont pas republiés à cause de la volonté de sa femme Lucette, mais on les trouve facilement sur internet). Ça ne m'intéresse pas et les extraits parcourus me répugnent.
    Mais j'admire sans réserve ses romans.
    Peut-on, allez-vous me dire, ne garder que cet aspect en oubliant le reste ? On peut. Elisabeth Scharzkopf, magnifique soprano, s'est inscrite au parti nazi en 38, a eu des accointances avec Goebbels. Ce n'est pas pour ça qu'on doit contester son talent et faire un autodafé de ses enregistrements.
    Bien sûr, le statut des pamphlets est ambigu. Pas une interprétation musicale mais du langage avec du sens. Invention verbale et contenu fétide. A quoi d'ailleurs l'outrance semble enlever toute crédibilité.
    Mais dans ses romans, Céline ne parle pas d'antisémitisme. Ce sont uniquement des textes littéraires, à considérer comme tels, et on peut célébrer l'auteur qui les a écrits. Si on est amateur de célébrations.
    Parce qu'une plaque sur un mur, enfin, c'est assez dérisoire pour exalter un écrivain. Mieux vaut le lire.