• La parole amputée, par Marianne Claret

    Familles, je vous hais !
    En tout cas celle dont Marianne Claret parle dans La parole amputée (Editions de L'Aire)...
    Ses membres principaux : une arrière-grand-m Marianne Claretère installée chez sa fille, qui la dispute au mari. Une grand-mère acariâtre qui hurle. Un grand-père alcoolique, le meilleur de tous ces gens entre parenthèses. Une mère soumise, les yeux baissés. Une sœur qui couche. Une autre qui se rêve mannequin et a des problèmes d'alimentation.
    Il n'y a pas grand chose qui se passe. Au début, le narrateur déchire la photo des ancêtres, geste de révolte qui ne provoque rien. A la fin l'arrière-grand-mère meurt. Entre deux, le portrait de la famille.
    C'est Cendre qui parle. Il a 20 ans, il n'en peut plus. Il raconte, raconte, raconte, explique l'impossibilité de parler, de dire, de dialoguer, le poids de la religion et du péché, le refus de la sexualité qui est sale et indécente, la soumission, le devoir d'obéissance. Il se vide, il se libère dans un grand déballage prolixe qui oscille entre la confession psychanalytique et la revendication.
    Marianne Claret a une démarche d'écriture intéressante. Pour cette thérapie littéraire, elle a effectué un réel travail sur la langue qu'elle a décidé de besogner dans son épaisseur. Longues phrases, répétitions, utilisations de proverbes, de formules figées, d'adages qui rythment le monologue.

    Dans les meilleures pages, le texte est hypnotique. Dans les moins réussies, cette libération a tendance à tourner en l'exact contraire du silence ainsi condamné : la logorrhée. Et on se prend à regretter que le programme du titre n'ait pas été respecté. Que cette parole profuse n'ait pas été, un peu, parfois, amputée.