• La Métamorphose, par Franz Kafka

    Quand on ouvre le livre, tout est fait. « Lorsque Gregor Samsa s'éveilla un matin, au sortir de rêves agités, il se trouva dans son lit métamorphosé en un monstrueux insecte. »
    Le brave garçon accepte tout de suite cet état de fait. Il vivait une vie tellement insupportable ! Exploité par un patron exigeant chez qui il travaillait pour rembourses la dette de son père. (Ah ! Franz et le papa Kafka. Il s'appelait Hermann !) Roulé par sa famille qu'il entretient et qui fait des économies sur son dos. (Le père, la mère, la sœur, double de la famille K.) Hanté par le devoir et l'amour des siens. Privé de sommeil. Sevré de plaisir. Obsédé par son travail. Pas étonnant que Gregor le trop tendre se fasse une carapace pour se protéger !
    Un ventre bombé, brun, divisé par des arceaux rigides, des antennes, de nombreuses pattes grêles... Voilà la bête ! Pour le reste, l'écrivain fait confiance à l'imagination du lecteur et refuse qu'on dessine son cafard. Avec raison.
    Voyez le cinéma fantastique ou de terreur. Les dimensions, l'échelle et l'étrangeté des monstres nous sont donnés par une tentacule, une mâchoire, un détail. Sitôt qu'on les voit en entier, ils perdent de leur aspect effrayant, pathétique ou intrigant. Et nous perdrions peut-être ainsi, nous, lecteurs, toute l'empathie que nous éprouvons nécessairement pour le pauvre Gregor Samsa, dont le roman raconte non pas la transformation, mais l'existence ultérieure. Où comment une famille moyenne réagit face à l'anormalité. Jusqu'à la mort du fils. Une délivrance pour tous.
    La Métamorphose est, bien entendu, un chef-d'œuvre de malaise et d'humour. (A suivre...)