• L'intelligence chez Proust

    Proust incite, en fait, à apprécier mieux la vie

                Renoir, Jeune fille lisant dans un jardin, 1874 
    Bizarre conception de l'intelligence dans La Prisonnière. Il s'agit d'Albertine.
    « Elle n'était pas frivole du reste, lisait beaucoup quand elle était seule et me faisait la lecture quand elle était avec moi. Elle était devenue extrêmement intelligente. Elle disait, en se trompant d'ailleurs: « Je suis épouvantée en pensant que sans vous, je serais restée stupide. Ne le niez pas, vous m'avez ouvert un monde d'idées que je ne soupçonnais pas, et le peu que je suis devenue, je ne le dois qu'à vous. »
    Résumons: Albertine rétrospectivement comprend qu'elle était stupide quand le narrateur a fait sa connaissance à Balbec la première fois. Elle est devenue intelligente à force de lire et de parler avec lui, ce qui lui a permis d'entrer dans le monde des idées.

    Une vision qui nous étonne. Nous avons plutôt tendance à considérer, actuellement, que nous sommes intelligents ou pas, et que ça n'a rien à voir avec la culture. Que l'intelligence est en quelque sorte un système de fonctionnement du cerveau, une manière qu'ont les synapses de communiquer entre elles. Ainsi, nous admettons que des gens illettrés ou qui n'ont jamais eu accès au monde des idées peuvent être intelligents, et que certains érudits sont stupides.
    Je préfère la conception de Proust. C'est peut-être parce que nous ne croyons plus à elle que la littérature est désaffectée. Si on lui donne comme seul but le plaisir, elle attire moins que si on affirme qu'elle permet un accroissement de l'être, et, singulièrement, de l'intelligence.
    Ce qui est vrai. Nous en avons tous fait l'expérience. Nous nous sommes tous sentis plus intelligents grâce à la fréquentation d'une grande oeuvre ou d'un grand esprit.
    (Par exemple en lisant Proust.)