• Jacques le Fataliste et son maître, par Denis Diderot

    On chemine, on cause, on s'arrête aux auberges, on boit. On rencontre des voyageurs, on se raconte des histoires. Des aventures arrivent. On est volé, des chevaux nous conduisent à des gibets, on se bat à l'épée, on s'engage dans l'armée ou chez des brigands. Jacques consulte sa gourde comme un oracle et dans les fins de soirée, il a extrêmement peur que le fond des bouteilles ne s'évente. 
    Le lendemain, on repart, on erre dans la campagne française, vers un village obscur où le Maître a laissé en nourrice un enfant qui lui est attribué. Il s'ennuie. Il regarde l'heure à sa montre. Il prise du tabac. Le valet raconte des histoires. Celles de ses amours, lorsqu'un certin nombre de dames fort mariées se sont emparées de lui. Il était jeune homme, il jouait  le nigaud et l'innocent pour qu'elles croient avoir son pucelage - qu'il avait déjà perdu ! 
    Un roublard, ce Jacques ! Mais surtout, philosophe imperturbable. Fataliste, il croit fermement que chaque balle qui part d'un fusil a son billet, que ce qui doit arriver arrivera, que tout est écrit dans un grand rouleau. En même temps, ce sage est un devin qui déchiffre les signes et les présages. Car tout étant écrit, on peut deviner l'avenir mais pas l'éviter.
    En composant ce roman inspiré du Tristam Shandy  de Sterne, Diderot s'amuse, se délasse de ses responsabilités. Critique d'art, philosophe matérialiste. Responsable de l'Encyclopédie. Conseiller de la grande Catherine de Russie auquel il pinçait les cuisses avec enthousiasme en lui parlant.
     Il crée un  roman bizarre, avec une structure complètement folle et des niveaux d'écriture et de lecture variés, des récits enchâssés, des interventions de l'auteur, des digressions innombrables. Comme racines, une réflexion très profonde sur la liberté humaine et une mise en scène des problèmes de la création littéraire. Mais surtout, partout, la fantaisie et une étincelante vivacité.