• Fendant

    Ce n'est pas un poisson d'avril : j'ai fait le carême. Pas d'alcool depuis le mardi gras. La traversée du désert. 40 jours dans le pays de la soif.
    Oh, je rassure tout de suite les ayatollah de tous bords, il n'y a rien de religieux là-dedans. On peut tranquillement me traiter d'agnostique, ça reflétera à peu près la réalité.
    Mais le carême est une tradition familiale. Et puis il a une utilité diététique et une qualité intéressante : un peu de privation permet de tellement mieux apprécier le vin ! C'est en fait un carême de jouisseur que je pratique. Pour augmenter le plaisir. Vous savez. Le désir s'accroît quand l'effet se recule.
    Donc il s'agissait ce week-end de rompre le jeûne.
    Là encore, j'entends les théologiens protester. Mais le carême va jusqu'à Pâques !
    Vous avez raison. Enfin sans doute. Parce que du mardi gras à Pâques, il y a 47 jours. S'agit-il pour faire le compte rond de ne pas calculer les dimanches ? La semaine sainte ? L'incertitude me mine. Il faut convoquer un concile. Vite, un verre de vin pour oublier ces tourments !
    Vignes près d'OllonEt là, quoi de mieux que du fendant ? En tant que fils et petit-fils de vigneron valaisan, j'ai été élevé dans le fendant. C'est mon vin d'apéritif. Puis on y revient. On goûte quelques spécialités, et quand il s'agit de passer un après-midi de conversation entre amis, il n'y a rien de mieux.
    Précisons pour les malheureux qui ne connaîtraient pas ce vin que le fendant, c'est du chasselas. Il doit son nom au fait que la peau et la pulpe de la baie mûre se fendent quand on les presse, mais sans que le jus de raisin ne s'écoule. On peut le qualifier, on le qualifie beaucoup : sec, franc, racé, aiguillonnant, frais, fruité, délicat. C'est un vin de terroir, qui prend bien les caractéristiques du lieu.
    Celui que j'ai ouvert, encavé pour la famille par mon père, n'a pas d'étiquette. Il vient probablement d'Ollon même. Ollon en Valais, pas dans le canton de Vaud. Comme on dit depuis toujours : c'est le « fendant de devant la maison ». Bien fruité.
    Mon père et mon beau-frère Georges Emery, qui est encaveur, vignifient aussi celui de vignes dont j'ai hérité, à l'extérieur du village, du côté de Flanthey. Le fendant des Rayes. Un peu plus minéral. Mais pas moins bon à mon goût. Vous pensez bien : de mes vignes !
    Alors, si vous passez chez Georges... (Georges Emery, Plat de Valençon 20, 3978 Flanthey: georges.emery@freesurf.ch)