• Les cahiers Mendel par Roland de Muralt

    Les cahiers Mendel est un roman à l'écriture solide et chaude dont l'histoire traverse la première moitié du XXème siècle.
    Elle commence avec des parents juifs arrivés en France en 1899. Il est ouvrier tailleur, elle couturière. Ils ont six enfants.
    Quatre garçons. Elias, un poète qui connaît Apollinaire, cesse d'écrire et meurt dans les tranchées. Avraham, qui croit au communisme, quitte la France en 18 pour l'URSS où il est bientôt condamné à trois ans de camp avant de se noyer dans une tentative de fuite. David, épileptique, inventeur d'histoires drôles. Et Nathan, le seul qui réussisseApollinaire, Picasson, Laurencin, Fernande Olivier par Marie Laurencin socialement. Puissant dans les entreprises et partisan de de Gaulle.
    Ces garçons ont deux sœurs. Zénia la putain et Hannah la mystique. Zénia aux nombreux amants entre Alexandrie et Paris, lascive, la peau couverte de vers de Rimbaud, directrice sous l'occupation d'un bordel d'éphèbes pour vieilles et pour pédés. Hannah la mystique convertie au catholicisme, lectrice de Jean de la Croix, de Maître Eckart et de Hildegarde de Bingen.
    Il y aurait eu de quoi faire une saga bigarrée avec toutes ces existences. Heureusement, de Muralt évite le piège. Une constante sert de fil rouge, d'unité et de conclusion au livre : la certitude que la langue, le récit, la poésie sont les seuls remèdes efficaces contre la mort, le chagrin, la barbarie, les camps. Plutôt que s'étaler, le roman procède par de courtes scènes lacunaires, ancrées sur des thèmes récurrents : lyrisme, érotisme, mystique (là, quelques passages que je trouve un peu dissertatifs, parfois. Mais tout le reste est très réussi.)