• Concert de Michel Polnareff

    Je suis allé au concert de Michel Polnareff, hier soir.
    Etonnant, non ? Malgré ma crainte de la foule et ma haine de ces Grand'Messes, matchs de foot ou concerts populaires, dont le moment le plus ignoble est la transe collective finale programmée. Quand le public, possédé et dépossédé, uni en un seul élan vers un homme, une équipe ou un groupe qui est censé l'incarner, le transcender, se lève, perdant toute mesure, toute vergogne, toute dignité, gesticule, tend les bras, n'étant plus qu'un grand animal collectif qui hurle, sieg heil, sieg heil. Oui, ça me rappelle toujours l'image des foules nazies, ces moment-là.
    Si j'y suis allé, c'est la faute de Jean Winiger. Il est seul responsable. Il m'a invité. Un cadeau d'anniversaire. En souvenir de ces moment où nous nous sommes connus, ces années où il pouvait chanter par cœur tout Polnareff. Il chante extrêmement bien. C'était au début des années 80.
    En plus, il y avait un point positif que j'ai constaté en arrivant à l'Aréna : enfin un concert où je n'étais pas le plus vieux ! Et puis des souvenirs. Ça me rappelait cette époque où je m'occupais de la chanson au Journal  de Genève. J'en ai vu défiler, des gloires, il y a vingt ans ! Mon meilleur souvenir : Barbara. Je m'attendais à une dame languissante et dépressive, c'était, comme on dit, une véritable bête de scène.
    Ce n'est pas l'expression que j'utiliserais pour Polnareff. Je vous entends : Alors, c'était comment ? Eh bien, le concert était parfait. Les musiciens de grosses pointures. Le show travaillé au millimètre. Les choristes sexy. Et Polnareff, très zen, irénique, savait donner l'impression d'une sorte d'intimité entre lui et le public.
    Mais l'essentiel était ailleurs. Dans les lunettes rectangulaires noires à bordure blanche, dans la tignasse blonde décolorée, la silhouette à peine épaissie, la voix qui a peu changé, les doigts sur le piano. Une manière de vérifier qu'existe toujours un peu de ce moment de 1971 où j'ai entendu pour la première fois Qui a tué grand-maman. Un 45-tour acheté par ma grande sœur qui avait quatorze ans.
    Et je me souviens exactement du lieu, du moment, de l'heure et de la météo de ces minutes-là.