• Céline, Voyage au bout de la nuit

    Illustration de Tardi pour Voyage au bout de la nuitJ'ai donc terminé une nouvelle fois Proust, ceux qui suivent un peu ce blog s'en sont probablement rendu compte. Puis j'ai rangé La Recherche dans ma bibliothèque. Officiellement pour cinq ans. C'est ma discipline. Ne pas le relire plus de deux fois par décennie. Sinon, je ne ferais rien d'autre. Ou peut-être, oui, quand même, rouvrir les livres de son grand concurrent.
    C'est ce qu'il fallait faire, évidemment. Et, évidemment, on pouvait y aller pour le Voyage. « Notre vie est un voyage / Dans l'hiver et dans le froid ».
    Ça commence par cet engagement si cocasse. Il fallait bien justifier que cet anar de Bardamu se retrouve sous les drapeaux. Destouches, le vrai nom de Céline, lui, en 14, y était depuis deux ans déjà. Il aurait dû être libéré en 15. Mais voilà. La guerre est arrivée, et toutes ces scènes du début du livre.
    Cendrars dans La Main coupée s'entendait bien avec les gradés et pas avec les sergents. Bardamu , lui, c'est toute la hiérarchie qu'il débine. Des sadiques, des profiteurs, des égoïstes, des insensés, qui considèrent le soldat comme du bétail soumis aux corvées. Il est recru de fatigue, épuisé, avec l'envie de dormir sans cesse. Ne croyant plus à rien sinon à sauver sa peau, il doit encore en permission ou en convalescence jouer au patriote pour pouvoir tringler les infirmières américaines à cervelle de moineau.
    Début du thème de l'Amérique. Elisabeth Craig n'est pas loin des pensées du lecteur, cette danseuse que rencontrera le docteur Destouches à Genève et qui vivra en union très libre avec lui quelques années, qui comptera tellement pour lui.
    Mais je m'arrête ici. On va encore m'accuser de faire du Sainte-Beuvisme.