• Bras cassés, par Jean Chauma

    Un drôle de livre, Bras cassés.
    Ecrit par un drôle d'auteur. 53 ans, dont 20 en prison, notamment dans des quartiers de haute sécurité. Vous comprendrez que je n'en dise pas de mal !
    Le texte, lui, est une sorte d'ovni. D'une grande force, et sortant complètement des moules littéraires. Ça se présente comme un roman, c'est publié dans une collection de polars (Trait noir chez Antipodes). Mais c'est autre chose.
    Un témoignage ? (Le quatrième de couverture dit pudiquement que Chauma « connaît bien les milieux qu'il décrit dans ce roman. ») Non, ce n'est pas un témoignage non plus.
    Plutôt une suite de scènes. Il n'y a pas d'intrigue proprement dite qui tiendrait le livre. Les personnages sont bien les mêmes du début à la fin, mais on ne lit pas ce qui leur arrive comme une histoire claire, définie. Ils semblent livrés au hasard. Ils font une chose, puis une autre. Les circonstances ou le hasard les conduisent à tuer quelqu'un, à braquer, à se cacher.
    Le gang des postiches en train de braquer une banque (années 80)Les journaux parlent de « crime organisé » pour qualifier ce milieu, mais il semble ne rien y avoir d'organisé là-dedans.  Longues attentes alcoolisées en groupe dans les bars et les boîtes, actions rapides, sexualité omniprésente, facile et brutale. Il n'y a pas de trajet, de volonté, de destins, seulement une suite de postures, d'attitudes.
    La langue est directe, orale, elle utilise les termes codés du milieu, les expressions typées et lourdes de sens. Embrouille, buter un enculé, taper le supermarché, le baveux (avocat).
    On est dedans, on vit ça de l'intérieur mais Chauma, subtilement, prend peu à peu de la distance, analyse les codes, les mentalités, et les expose en situation, sans théorie, sans morale ou didactisme.
    J'ai été impressionné. Ça ressemble un peu à de l'art naïf, si on veut, mais très pénétrant.
    On y reviendra.