• Baudelaire, ode à la drogue

    « 770'000 francs pour une ode à la drogue », titre le Matin bleu, un journal gratuit du coin.
    L'ode à la drogue, c'est un exemplaire des Paradis artificiels de Charles Baudelaire, sous-titré  Opium et haschich et qui avait été publié en 1860 par Poulet-Malassis. Il a été annoté par l'auteur en vue de trois conférences à Bruxelles. Conférences où le public était, paraît-il... Clairsemé serait un terme trop généreux. Où le public était rare.
    Cette somme, 770'000 francs, est une revanche de la postérité, on veut bien l'admettre et s'en féliciter. Comme on peut se réjouir des tableaux de Van Gogh et de leurs prix délirants. Baudelaire le mal-aimé vend désormais ses manuscrits très cher et passe dans les journaux. Il devient un people. L'auteur d'une ode à la drogue.
    Une ode à la drogue. Admirez cette formulation hardie. C'est que ces journaux gratuits nous montrent comment trouver enfin le chemin du cœur des lecteurs. Comment mettre les classiques au goût du jour. Comment présenter les grands auteurs. Comment réécrire l'histoire de la littérature. En touchant juste, direct, en plein front, comme la botte de Nevers.
    Balzac : une ode à l'argent, Proust, une ode à l'homosexualité. Céline, une ode à l'antisémitisme. Hugo, une ode aux esprits frappeurs. Rousseau, une ode à l'homme des bois. Ramuz, une ode au vigneron vaudois.
    Et le Matin bleu ? Une ode à la sottise ?