• Balzac et les secrets de Charlus

    Qui aurait pu résister, après Le cabinet des antiques (voir dans Panthéon) ? J'ai relu Les secrets de la princesse de Cadignan. Où on retrouve Diane de Maufrigneuse, une dizaine d'années après qu'elle a déniaisé et appauvri Victurnien d'Esgrignon. Oh, il peut se consoler en festoyant avec toute une confrérie ! Elle en a ruiné bien d'autres, et elle-même en même temps, à cause de ses folles dissipations, qu'elle « eut l'habileté de mettre sur le compte des événements politiques ». La révolution de Juillet.
    La princesse a 36 ans, un fils de 19, elle s'enterre dans un petit appartement et ne voit plus que la marquise d'Espard. Toutes deux devisent en déambulant dans un jardinet dont parlera le baron de Charlus. « Je connais le petit jardin où Diane de Cadignan se promène avec Mme d'Espard, c'est celui d'une de mes cousines. » Miracle du retour des personnages d'un grand auteur à l'autre, dans un univers devenu purement romanesque.
    La marquise, finalement, met l'écrivain Daniel d'Arthez sous le nez de Diane et la tigresse attaque. Elle le séduit facilement mais elle a un gros problème : sa réputation à lui faire avaler. On dresse partout dans le monde la longue liste détaillée de ses écarts et des amants qu'elle a dépouillés. Comme le lui dit d'Espard : « Nous sommes encore assez belles pour inspirer une passion ; mais nous ne convaincrons jamais personne de notre innocence ni de notre vertu. »
    Et pourtant si ! Avec une habileté supérieure, la grande rouée amène l'auteur à croire que rien de ce qu'on dit sur elle n'est vrai. Elle est admirable de cynisme, de calcul, de manipulation. Et puis aussi touchante. C'est sa dernière chance de trouver un amant de qualité, mais aussi ce qu'elle a toujours cherché en vain. « Ah ! je voudrais cependant bien ne pas quitter ce monde sans avoir connu les plaisirs du véritable amour, s'écria la princesse. » Exécution ! Dénouement ! Violons ! Balzac est grand.