Je suis donc allé voir, comme
beaucoup de gens, l'exposition que la fondation Gianadda a montée
pour les 100 ans de la naissance de Balthus.
Eh bien autant le dire tout de suite:
si Balthus n'est en tout cas pas le peintre de génie que
certains réfractaires à l'art moderne célèbrent,
il n'est pas non plus le nullard absolu que d'autres voient en lui.
Bien entendu, c'est un mauvais peintre.
Sa technique est lacunaire, il est incapable de représenter le
mouvement, ses personnages et ses poses sont artificiels, etc.
Mais il parvient justement à
utiliser ses faiblesses pour en faire quelque chose. Il connaît
ses limites et il porte son travail ailleurs que sur l'art pur et son
rapport à l'histoire contemporaine. Sur la représentation.
Les mises en scène. Les ambiances.
C'est, en fait, un peintre à
idées. Un peintre littéraire.
Il sait évoquer ces moments
lourds de l'adolescence, ces après-midis de dimanche
interminables où l'ennui vous pousse vers le fantasme et
l'envie de l'érotisme. N'ayant pas beaucoup d'imagination, il
repique des scènes ou des thèmes classiques et chargés.
Les chats et leur symbolisme. La confrontation entre des jeunesses
nues et des vieilles femmes qui les contemplent ou qui les parent.
Les portraits de fillettes plus ou moins dévêtues, entre
innocence et perversité, à ce moment de l'éclosion
de la sexualité qui fait qu'elles ne maîtrisent pas
encore les codes de la séduction et qu'elles en laissent voir
trop. D'où ce parfum de scandale si utile pour sortir un peu
du lot.
Ce sont des trucs, mais Balthus les
maîtrise bien.
C'est ainsi (et grâce à un
travail de toute sa vie pour sculpter sa propre statue, établir
des relations et se faire passer pour ce qu'il n'était pas - voir là-dessus
Le Paradoxe Balthus, par Raphaël Aubert, La Différence, 2005)
qu'il est devenu le peintre préféré de ceux qui
n'aiment pas la peinture.
Balthus,
Fondation Gianadda , Martigny,
jusqu'au 23 novembre
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