• Article sur Antonin Moeri, suite et fin

    Troisième partie de mon article de 1991 sur Moeri. Suite et fin (voir les deux premières parties ici et ici). La recension de son roman, Les yeux safran.

    Safran, c'est la couleur de la mort : celle de la mère du narrateur, atteinte d'un cancer, et qui s'éteint petit à petit devant lui tandis que sa peau jaunit. Insomniaque et perdu, le fils s'efforce de capter, avec une extrême attention, les réactions intimes que les souvenirs ou les rêves sur elle provoquent.
    Cette agonie et cette mort provoquent un déclic : le narrateur se met à écrire pour reconstruire son existence.
    Les souvenir évoquent Louis, l'ami d'enfance qui apprenait à fumer dans une cave, à voler à l'étalage ou à embrasser Caroline. On retrouve les fameux portraits chargés dans lesquels Moeri excelle : un athlétique contrôleur de chemins de fer, « homme aux yeux globuleux d'un bleu transparent fichés  Antonin Moeri par Lou Moeriaux extrémités d'un visage massif comme des boutons de culotte sur le masque burlesque d'un épouvantail ». Un intellectuel : « Quand on lui demande de décrire ses occupations, il répond en enlevant ses fines lunette de son auguste nez : je fais de la recherche. Sur quoi tout le monde se tait. La phrase a été martelée avec une telle assurance qu'on se dit : quelle surprenante arrogance de roquet chez cet âne accoutumé au silence ».

    C'est que Moeri en veut aux individus plus qu'à la société. Fidèle disciple de Handke et de Thomas Bernhard, il emprunte à ce dernier l'invective et l'indignation. Il s'attache aux personnages, les suit dans l'avion, sur la plage, marchant. Tourne autour des images, recherchant des états de musique et de délire verbal. Pour écrire ensuite, la nuit, en vacances, en altitude, après un grand effort physique, dans des conditions de malaise existentiel et de solitude, des histoires vengeresses. 

    Et on pourra lire bientôt ici un entretien avec Antonin Moeri
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