• Antonin Moeri (2)

    Voici donc, comme annoncé, un article que j'avais publié sur Antonin Moeri. Il y a déjà belle lurette : le 19 décembre 1991. C'était dans le Nouveau Quotidien. Grand moment pour moi : j'entrais ainsi dans la critique littéraire. Aussi, je m'étais appliqué. Voyez plutôt :  

    Antonin Moeri, écrivain romand, est un personnage: en même temps déphasé, perdu, et très sûr de lui. Observant choses et gens de son œil bleu et candide, retenu, puis sortant son carnet noir pour y noter quelques portraits ironiques, cruels et drôles. Sans se soucier des lieux ni des gens. Sûr de lui, sûr de son écriture, il a de quoi l'être puisque, à 38 ans, cet auteur a gagné le Prix de la revue [vwa], le Prix Schiller, et l'Université de Genève lui consacrera un séminaire l'an prochain, rien de moins. Traducteur de l'allemand, il s'est occupé du Journal d'adolescent de Ludwig Hohl qui sort cet automne chez Zoé. Et L'Age d'Homme publie ces jours le dernier roman d'une trilogie commencée il y a six années : Les yeux safran. Un livre court, cinglant, qui s'impose comme un souffle neuf et fort dans la littérature        Moeri par H.Tappe
    romande.
    Le lecteur y retrouve un narrateur étrange, tête ronde à lunettes, maigre, ahuri, souffrant de pneumonie et d'hyperhidrose. Le même qu'on croisait déjà dans Le fils à maman et L'île intérieure. Un personnage maladroit, mal à l'aise en société, en conflit avec les objets. De cette incapacité, il tire un plaisir : être le jouet des circonstances et des choses le réjouit. Masochisme ? Pas seulement. L'insécurité le pousse à un délire verbal qui provoque en lui un plaisir trouble.
    Monsieur Antonin : tel est le nom dans quelques nouvelles de ce curieux bonhomme. C'est, on l'aura compris, le double de Moeri. Leurs points communs ? Une certaine ressemblance physique. Quelques maladies. Tous deux se sentent parfois « comme un scarabée ou quelque chose de monstrueux. »
    Et ils ont joué professionnellement la comédie, avec plus ou moins de succès : Monsieur Antonin est un acteur raté. Moeri, lui, après le bac, suit les cours d'art dramatique de l'Ecole de Strasbourg. Immédiatement après, le rôles pleuvent. Il joue dans Timon d'Athènes de Shakespeare, monté par Peter Brook aux Bouffes-du-Nord. Ciulei, un roumain, l'engage à Chaillot pour Elisabeth I de Paul Foster. A la Comédie de Genève, il a le rôle d'Alwa dans Lulu de Wedekind, monté par Henri Ronse en 1978. Pourtant il arrête.
     

    Pour quelles raisons arrête-t-il ? Suspense. On le saura un de ces jours. L'article étant un peu long, je vais en donner la suite plus tard. Ça fera un petit feuilleton, pourquoi pas ?