• Alphonse Boudard et Louis-Ferdinand Céline

    Il y a un obstacle  quand on commence un livre de Boudard: la langue. On se demande très sérieusement au début si on est en train de lire un pastiche ou une parodie de Céline.
    Mais on se rend vite compte que c'est du sérieux. Boudard ne veut pas amuser, citer. Il n'y a aucune ironie dans son propos. Il écrit comme Céline, avec un ajout supplémentaire d'argot actualisé (l'argot d'après-guerre), mais en respectant le style du maître dont il s'est approprié l'écriture.
    J'ai cherché à comprendre cette servilité. Une des ses explications m'a éclairé. Je cite : 
    « 
    À partir du moment où j'ai lu Céline, où j'ai compris Céline, je me suis dit : "La littérature n'est pas une chose fermée." J'ai trouvé chez lui un langage qui venait de la rue, qui n'était pas celui des livres que j'avais lus jusque-là. »
    Où on voit que Boudard fait une erreur !
    Céline n'a pas trouvé son langage dans la rue, il l'a inventé. Il était obsédé par la littérature, par la forme, par l'innovation, la recherche de formules. Boudard, lui, Alphonse Boudardtrouve son langage dans Céline.
     C'est dire qu'il n'en a pas de propre. On est dans l'imitation.
    C'est ce qui gêne, au début. Après quelques dizaines de pages, ça passe mieux. On oublie ces tics, cette appropriation soumise. On s'ouvre à l'univers d'Alphonse. Venu d'un milieu modeste, comme Céline. Ayant frôlé le monde des voyous, comme Céline à Londres, étant tombé dedans, lui, Boudard. Anarchiste naturel, comme Bardamu du Voyage. Obsédé par le sexe, comme le Céline des premiers livres.
    C'est, si on veut, un petit Céline optimiste et mineur.
    Je me fais ces réflexions après avoir lu L'éducation d'Alphonse. Je vous en parle bientôt.