• Lotte et WertherLa chose qui m'a le plus étonné en lisant Les souffrances du jeune Werther (1774), c'est le grand intérêt du livre. Je m'attendais au pire. Tout était réuni pour m'effrayer. Un chef-d'œuvre du romantisme. Un roman épistolaire. Le génie de Goethe.
    Eh bien non. Les souffrances du jeune Werther est un livre vif, agréable, remarquablement écrit avec beaucoup de sensibilité, qui parle très bien de la nature et des sentiments, et qui n'a rien de pompeux.
    D'abord parce que son personnage principal se place hors de toutes les normes et valeurs de son temps. Il se considère comme un artiste et passe son temps à se promener dans la nature et à dessiner. Son travail temporaire chez un ministre l'amène à mépriser les élites, les nobles, leur pédanterie et leur étroitesse, à leur préférer le peuple et les gens simples.
    Puis parce qu'il ne respecte finalement que ses propres sentiments et ignore les conventions. Il tombe amoureux d'une jeune fiancée, la convoite en la sachant engagée, vit presque en triangle avec elle et son futur mari, Albert, pour qui il se prend d'une tendre amitié. Il ne respecte même pas le mariage. Plus tard, quand Charlotte est devenue une épouse fidèle, il lui lit des poèmes d'Ossian, saute sur elle, l'enlace, l'embrasse. Enfin, transgression ultime, il se tue avec les pistolets d'Albert.
    Le succès phénoménal du livre provoquera d'ailleurs une vague de suicides par contagion, et une mode vestimentaire: costumes jaune et bleu, comme la tenue de bal de Werther, pour les hommes, robes roses et blanches, comme Charlotte, pour les dames...
    On lira donc ce livre comme un document historique et sensible sur les idées d'une époque, comme une belle histoire d'amour, comme le portrait d'un marginal et comme une manière de renouveler sa garde-robe. Mais on ne se sentira plus forcé, j'espère, de suivre Werther jusqu'au bout...