• Chateaubriand affirme que son plus grande action politique est la conduite de la guerre d'Espagne quand il était ministre. On peut penser qu'une autre grande action, plus estimable peut-être, est sa démission après la Révolution de Juillet.

    Petit rappel: Charles X, frère de Louis XVI et de Louis XVIII, roi de France, avait fait ou laissé faire par son premier ministre Polignac deux ordonnances, l'une contre la liberté de la presse, l'autre contre la liberté électorale. Paris se soulève le 27, 28 et 29 juillet. Charles X abdique au profit de son neveu, mais on ne veut pLouis-Philippe Ierlus de sa lignée. Craignant la république et l'anarchie qui selon eux en découlerait, quelques élus prédominants des chambres subtilisent la révolution, bombardent le cousin du roi, Louis-Philippe d'Orléans, lieutenant-général du royaume. Puis il devient roi, élu par les mêmes chambres.

    Chateaubriand s'opposait violemment aux ordonnances et défendait la chartre qu'elles bafouaient. Comme bien d'autres, il aurait pu se rallier à Louis-Philippe, d'autant plus que ce dernier lui offrait de retrouver le ministère des affaires étrangères ou son ambassade à Rome. Il lui aurait suffit de proclamer qu'il servait le pays et non les personnes.

    Mais Chateaubriand au contraire démissionne de la chambre des pairs et fait supprimer sa pension. Décision d'autant plus glorieuse que Charles X avait toujours été d'une ingratitude déclarée contre l'écrivain, défenseur pourtant de la légitimité, même s'il ne croyait pas aux rois ni aux gouvernements de droit divin.

    L'origine de cette fermeté tient à son caractère, mais aussi sans doute à son statut d'écrivain. On le comprend lorsqu'il refuse les offres de la duchesse d'Orléans. J'ai écrit, dit-il en substance, toute ma vie en faveur des Bourbons, mes livres sont là comme témoins: je perds la face si je me rallie.

    On peut ainsi dire que Chateaubriand est gardé par ses textes. Mais il veille aussi à ne pas saper l'oeuvre qui prend ses assises dans le réel. S'il veut ne pas être un « misérable faiseur de phrases », celles-ci doivent reposer sur du solide: une conduite, une réputation, du panache, des faits.