• Honneur aux souvenirs. La maison du chat qui pelote est le premier Balzac que j'ai jamais lu. C'était en 1973, dans une de ces collections à laquelle s'étaient abonnés mes parents, qui vous expédiaient un livre par mois. On pouvait les choisir. Si on négligeait de le faire, un titre nous était expédié au hasard.
    Je ne sais plus si c'est la décision ou la chance qui nous avait pourvu de ce Balzac-là. Il m'est difficile aussi de me rappeler ce que j'en avais pensé, à 14 ans. Tout au plus m'en était-il resté un malaise que j'ai essayé de m'expliquer en relisant le livre.
    Un artiste riche et aristocrate, Théodore de Sommervieux, s'éprend d'une jeune fille issue de la bourgeoisie. C’est la fille d'un marchand drapier, qui a du bien, mais qui vit dans la restriction et l'écon
    François Marius Granet, (1775-1849), peintre, autoportraitomie. Ils se marient malgré les oppositions.

    Mais la naïve, sage et courageuse Augustine déçoit bientôt son mari. Elle ne parvient pas à s'adapter à son milieu, elle lui paraît fadasse. Derrière son côté portrait sublime, c'est une fille trop marquée par son milieu, par les principes et les valeurs qu'on lui a appris, pour réussir sa transplantation. 

    Son mari la trompe bientôt avec la piquante et rouée duchesse de Carigliano.  Clou du livre: Augustine va demander conseil à sa rivale, qui lui révèle gentiment quelques trucs. Mais la fille de bourgeois échoue à les exploiter.

    Il y a en filigrane toute une histoire du portrait d'Augustine. Théodore en fait une œuvre géniale, qui lui sert à séduire le modèle ou en tout cas à lui exprimer son amour. Il la donne ensuite à la duchesse comme gage de soumission. Celle-ci la rend à Augustine, qui veut s'en servir pour ressaisir son mari. Mais il détruit l’œuvre devant ses yeux. Plus symbolique, on ne peut pas.
    Alors, qu’est-ce qui m'avait laissé ce malaise? Probablement ce constat: on peut changer de milieu, mais il est très difficile de faire partie réellement, naturellement, du nouveau cercle qu'on atteint. J'étais fils de paysan et jeune ambitieux, je convoitais une promotion. Le message de Balzac me gênait.
    Il me faudrait encore du temps et des expériences pour en comprendre le bien-fondé.