• StendhalLa Chartreuse de Parme serait un charmant petit traité de coquinerie politique, si on en croit Barrès. (Je cite de mémoire.) Il ne pensait pas au début, à cette incursion de Fabrice à Waterloo, dont j'avais parlé ici. Plutôt sans doute au Comte Mosca et à la Sanseverina, lui plus roué, elle suivant ses propres impulsions, ne revenant jamais en arrière mais manipulatrice de génie.
    Fabrice n'est pas bâti sur le même modèle. C'est ce qui fait sa singularité. Il est franc, naïf, tout d'action et de premier mouvement. Et s'il parvient à tromper son monde, c'est malgré lui.
    Par exemple, la tristesse qu'il montre quand il revient à Parme après son évasion et est rétabli dans ses fonctions de coadjuteur, lui est inspirée par son amour sans espoir. Mais elle le fait passer pour un saint. L'éloquence qu'il expose comme prédicateur et les émotions qu'il provoque ont la même raison et des buts profanes: attirer Clélia au sermon. On attribue aux effets de son amour d'autres causes, mais il n'est pas un coquin, lui.
    Au contraire. Il est si parfait, beau, courageux, vif, doué partout, avec ce côté candide qui fait tout son charme qu'il en deviendrait presque ennuyeux.
    Heureusement qu'il y a les autres, manipulateurs et coquins, pour donner du piment au récit, avec son flux de documents antidatés, de bassesses, d'intrigues, d'empoisonnements. Tout ça si vivement raconté, dans un langage elliptique, qui court, emporte, et empêche de s'attarder sur les répétitions et les clichés.

    Stendhal, La Chartreuse de Parme