Bon, c'est en bonne voie. Ce n'est pas
terminé, bien sûr, il en reste encore pas mal avant
qu'on soit sorti du tunnel, mais on a déjà à peu
près fini le potlatch. L'échange des cadeaux.
Je sais bien, vous êtes comme
nous. On dit qu'on ne le fait qu'aux enfants, aux petits. Pour les
autres c'est révolu. On se réunit en famille élargie
mais cette année, non, on ne s'offrira rien entre adultes.
Et puis il y a toujours quelqu'un qui
trouve quand même deux ou trois petites choses à donner,
et bien évidemment, les autres, ridicules, gênés,
s'y remettent l'année suivante. Oh trois fois rien, des pots
de confiture, un roman, une bouteille de vin, une écharpe ou
du parfum.
C'est en même temps touchant et
dérisoire. L'échange. Un des rituels des grandes nuits.
Il y en a d'autres, contre l'angoisse
de l'obscurité et du temps qui passe. La commémoration
d'une naissance pour contrebalancer tous ces symboles de mort. Les
vacances à la neige, les voyages au soleil, les repas obligés,
la Saint-Sylvestre qui clôt tout ça. Bientôt une
année de plus.
Les enfants se réjouissent, ils
veulent grandir. Ils grandissent donc. Ils sont grands mais ce n'est
pas encore ça. D'ailleurs ça continue. Un autre Noël.
Un autre 31 décembre.
Ça continue encore. Le retour de
la nuit. L'horloge annuelle. La maturité. La vieillesse.
C'est surtout ça, les fêtes
de fin d'année, par en dessous: le rappel du Temps inéluctable
et du grand rendez-vous sombre qu'il nous a fixé depuis
toujours.